MIKAEL DE POISSY

Artiste et Historien du Tatouage

Le 14 octobre dernier, Mikael de Poissy se voyait remettre la très prestigieuse médaille de Vermeil par l’Académie des Arts, des Sciences et des Lettres, devenant ainsi le premier tatoueur reconnu par une société savante tant pour ses réalisations artistiques que pour son engagement à faire connaître au plus grand nombre l’Histoire du Tatouage en France. Quand de Poissy-l’Artiste n’est pas en train de tatouer de somptueux vitraux sur sa clientèle venue des quatre coins (ronds) du globe pour avoir une de ses œuvres sur la peau, Mikael-l’Historien se consacre à transmettre ses connaissances via le French Tattoo Museum, les livres qu’il écrit ou encore Tatouage Magazine que vous tenez entre les mains et dont il est l’éditeur. Rencontre avec le Boss.

Interview : Miss Marvel – Photos : Nidhal Marzouk

Tatouage Magazine : Tu as été fait Commandeur des Arts, Sciences et Lettres par l’Académie du même nom qui t’a remis la médaille de Vermeil en octobre dernier. Une première mondiale pour un tatoueur ! Quelle fantastique reconnaissance ! Comment as-tu été approché et sélectionné ?
Mikael de Poissy : En Septembre 2022 j’ai été contacté par une déléguée de l’Académie, qui avait repéré mon travail sur Instagram. Elle me complimente sur mes réalisations, me dit que ce n’est pas normal que le Tatouage ne soit pas reconnu comme un Art à part entière, et me demande si je suis intéressé par le fait qu’elle soumette mon profil à l’Académie des Arts, Sciences et Lettres…

T.M : Tu as dû te dire que c’était trop beau pour être vrai…
M.d.P : Complètement ahaha ! J’ai l’habitude d’être approché par un tas de gens pour des propositions pas toujours cohérentes ou intéressantes, j’étais perplexe. J’ai fait quelques recherches pour vérifier que ce n’était pas un canular, et quand j’ai vu que c’était bien réel je me suis rapproché de l’Académie.

T.M : Il doit falloir montrer patte blanche, j’imagine…
M.d.P : Une très grosse patte blanche de 150 ou 200 pages, je ne sais plus exactement ! J’ai dû faire un dossier très exhaustif sur toute ma vie, mon œuvre, photos à l’appui… écrire des lettres expliquant mes techniques, les prix que j’avais remportés… un livre complet que j’ai déposé en janvier dernier. Six mois plus tard, je recevais un appel me disant que j’étais fait Commandeur et qu’on me décernait la médaille de Vermeil, qu’on me remettrait lors d’une cérémonie le 14 octobre.

T.M : Cette distinction ne vient pas récompenser uniquement tes réalisations artistiques…
M.d.P : Non, en effet c’est à la fois une grande reconnaissance artistique pour mon travail en tant que tatoueur mais également une distinction honorifique pour mon engagement à faire connaître et rayonner la culture et l’Histoire du Tatouage en France depuis ses origines. Mon côté « préservation du Patrimoine historique » d’un pan de l’Histoire de France les a touchés. Je numérise les archives que je découvre, je les restaure, je les collectionne et j’essaye de partager mon savoir et le résultat de mes recherches avec le plus grand nombre.

T.M : J’imagine que le côté historique et religieux de tes dessins et de tes tatouages a joué un rôle majeur dans le fait que tu sois sélectionné ?
M.d.P : Absolument. L’angle du vitrail a fait que mon travail est ressorti et a interpelé une société savante qui s’intéresse à ceux qui œuvrent pour le rayonnement de la culture française. Cet aspect historique a donné une légitimité à mon travail. Un tatoueur qui fait du old school n’aurait pas été approché, c’est certain.

T.M : Cette reconnaissance artistique, c’est un moment historique pour le monde du Tatouage !
M.d.P : C’est la première fois dans le monde en effet qu’un tatoueur a son nom inscrit sur les registres d’une institution qui défend et promeut les Arts. Le Times m’a consacré une chronique dans ses pages et une radio allemande vient m’interviewer la semaine prochaine. La nouvelle est sortie des frontières de l’hexagone ! En France le SNAT (Syndicat National des Artistes Tatoueurs) se bat depuis des années pour une reconnaissance artistique des tatoueurs et tatoueuses et aujourd’hui on y est !

T.M : Est-ce que cela va changer quelque chose pour toi ou pour la profession ?
M.d.P : ça me prouve que je dois continuer de faire ce que je fais en rendant au Tatouage ce qu’il m’a donné : de la reconnaissance. Il faut tout faire pour que le tatouage soit bien considéré et bien vu si l’on veut que cette reconnaissance continue à se propager. Quand on a annoncé ça sur les réseaux, certains tatoueurs ont demandé si la TVA allait baisser… mais c’est pas comme ça qu’on avance ! Faites quelque chose pour le Tatouage au lieu de vous demander ce que le Tatouage peut faire pour vous… chacun à son niveau doit faire ce qu’il peut et ce n’est pas une question de style. Ce qui fait rayonner le métier c’est ce que tu peux donner au milieu artistique en donnant de la connaissance sur le Tatouage. C’est ce que j’essaye de faire au travers du French Tattoo Museum, de mes livres ou de Tatouage Magazine : amener de la connaissance sur le Tatouage à une communauté d’amateurs et de passionnés. Donner les codes de lecture, connaître les origines, les techniques, comprendre le passé et l’évolution c’est aussi ce qui permet de construire le présent, trouver son style et l’amener plus loin.

T.M : Tu penses qu’il faut emmener le Tatouage plus loin dans l’Art ?
M.d.P : Oui exactement. Les barrières entre l’Art et le Tatouage sont déjà franchies. À l’école du vitrail de Limoges par exemple, les étudiants cette année ont demandé à étudier… Mikael de Poissy ! Je leur prépare un dessin et j’irai là-bas voir et signer leurs réalisations. En parallèle, ce même dessin va être envoyé à l’école de tapisserie française d’Aubusson et servira de modèle à la création d’une tapisserie. Un même dessin se retrouvera sur trois médiums : la peau, le verre, la tapisserie. J’ai aussi été contacté par le MOMA (Museum of Modern Art de New York) pour participer à une exposition qui va mettre en scène le travail de plus de 50 tatoueurs. Je n’aurais jamais imaginé voir mon travail un jour exposé au MOMA… L’Art inspire le Tatouage et aujourd’hui le Tatouage inspire l’Art : la boucle est bouclée !

T.M : Est-ce que le Tatouage doit devenir élitiste pour renforcer cette aura artistique ?
M.d.P : Si on veut tirer le Tatouage vers le haut et se placer dans une démarche d’artiste, alors oui le Tatouage doit devenir élitiste. Mais le Tatouage c’est aussi un art très ancien, un moyen d’expression qui a vu le jour chez les premiers hommes avant même qu’ils ne sachent écrire… ils se marquaient déjà la peau ! Le Tatouage sera toujours un art populaire et je comprends certains tatoueurs qui veulent conserver cet aspect underground. Le Tatouage en France a connu ses débuts dans les prisons et dans la rue, chez les mauvais garçons et les filles de joie… Je vais faire une exposition à Fleury Mérogis avec Jérôme Pierrat (journaliste et rédacteur en chef de Tatouage Magazine). Expliquer l’histoire du Tatouage aux détenus, leur donner de la culture tattoo, faire de la prévention hygiène aussi… ramener le Tatouage en prison c’est un retour à l’une de ses sources !

T.M : Tu vas passer de la prison au MOMA, c’est un sacré grand écart… Tatoueur, peintre, collectionneur, conservateur du patrimoine, historien, éditeur… tu es partout !
M.d.P : J’ai toujours eu ce côté un peu hyperactif, c’est vrai, quand je me passionne pour quelque chose, je le fais à fond… et si je n’ai pas de projets en dehors du tatouage, je m’ennuie ! J’aime fouiller, découvrir et faire partager mes trouvailles !

T.M : Tu as d’autres grands projets pour 2024 j’imagine alors…
M.d.P : Oui ! Je viens de terminer le tournage de l’émission « Le meilleur tatoueur » qui sera diffusée en Mars sur RMC story et dans laquelle je vais faire partie du jury. Il va y avoir un “prime” par jour pendant 6 semaines. Chaque semaine 4 tatoueurs viendront participer à des épreuves et le gagnant ou la gagnante sera désigné.e à la fin de la semaine. Les meilleurs seront interviewé.es dans Tatouage Magazine ! En plus de mon rôle de jury, je ferai une pastille historique dans chaque émission où je parlerai d’Histoire du Tatouage. C’est une belle émission, très bienveillante et pédagogique et je suis très heureux d’y avoir participé.
J’ai hâte de voir l’accueil qu’elle recevra lors de sa diffusion ! J’ai aussi été contacté par les éditions du Seuil pour écrire un livre sur l’Histoire du Tatouage de 1800 à 1960. Mais ce sera pour 2025.

T.M : Merci Mikael pour cette interview, on te retrouve donc très bientôt… partout !
M.d.P : Et au Tattoo Planétarium à la Grande Halle de la Villette du 2 au 4 Février bien sûr !

Suivez Mikael de Poissy sur Instagram :
@mikaeldepoissy
@frenchtattoomuseum
@tatouagemagazine

Mikael de Poissy le shop :
27 rue Général de Gaulle 78300 Poissy.


Tatouage Magazine 156

En kiosque !

Article ajouté au panier
0 Produit - 0,00