Benji

Le tatouage comme cinquième sens

Quand il n’est pas sur un vélo à sillonner les routes de France, Benjamin est sous les aiguilles d’un de ses artistes préférés ! À 48 ans, il arbore des dessins sur la totalité de son corps. Sourd de naissance, le tatouage devient chez lui un 5e sens. Il compense la perception auditive par des gravures visuelles et permanentes. Avec son petit air de Robinson Crusoé, c’est à vélo qu’il part à l’aventure dans des contrées inconnues.

Texte : Obeyingthemoon – Photos : Quentin Ferjou – Kevin Robic – Mister Timmy

Depuis ses 18 ans, l’âge auquel il quitte sa Belgique natale pour la vie parisienne, Benjamin pratique le skate. C’est une passion qu’il partage aujourd’hui avec son fils de 13 ans. Après douze années passées à écumer les skate-parks parisiens, il part vivre à Nice quelques années pour s’installer définitivement à Nantes, sa ville actuelle. Si la pandémie l’a récemment privé de son emploi dans la restauration, Benjamin n’a pour autant pas le temps de s’ennuyer. Si vous ne le croisez pas sur un skate, c’est qu’il est certainement sur un vélo ! Véritable bikepackeur, il dévale les routes de France à vélo depuis des années : « Tous les ans vers le mois de juin, je pars en roadtrip à vélo, souvent avec le même pote sinon tout seul, mais je n’y déroge pas ! »

« De par ma surdité, j’ai besoin de voir des dessins partout, sur mon corps comme sur les murs de mon appartement. »

Benji

Passionné d’art

Benjamin délaisse souvent ses planches de skate et son vélo pour le cinéma. Grand amateur d’art sous toutes ses formes, cinéphile depuis l’enfance, il est rapidement pris de passion pour tous les arts visuels. Rien d’étonnant à ce qu’aujourd’hui, il ajoute « photographe » à la liste de ses multiples talents. Tout ce qui est graphique fascine Benjamin depuis son plus jeune âge : « De par ma surdité, j’ai besoin de voir des dessins partout, sur mon corps comme sur les murs de mon appartement.» L’art qu’il laisse le plus s’exprimer chez lui, c’est celui du tatouage. Benjamin a plus de 80% du corps encré, il lui reste un peu de place sur l’arrière des cuisses et le bas du dos : « C’est comme si je comblais le sens que j’ai perdu à travers le tatouage, ces dessins qui sont gravés dans ma peau, c’est un peu comme s’ils étaient mes oreilles. » Il baigne au quotidien dans la culture du tatouage : « Forcément étant bien tatoué, c’est une influence qui se ressent pas mal chez moi. Il y a des livres de tatouage, des magazines et beaucoup de sérigraphies sur les murs. » L’univers qu’il a créé est l’écho des œuvres sur sa peau, comme une ode au tatouage qu’il retranscrit chez lui.

D’un autre côté voir des gens avec des beaux tattoos, reconnaître la patte d’un artiste et admirer des œuvres dans la rue, sans avoir à aller au musée, c’est carrément cool ! »

Benji

Le corps comme musée

Sans trop de surprise, Benjamin fait sa première découverte avec les aiguilles à 18 ans. C’est l’exotisme de la Californie qu’il choisit pour sa première gravure, dans un petit shop de Newport Beach : « Mon premier tatouage, c’était à la cheville. C’est une illustration de Keith Haring représentant Andy Warhol grimé en Mickey. » Plus surprenant, il ne touche plus à sa peau pendant 10 ans et réitère l’expérience à 28 ans avec un skate ailé sur l’avant-bras. La machine est lancée, Benjamin n’a pas réussi à s’arrêter depuis et ce n’est pas nous qui allons le juger : « Aujourd’hui ma relation avec le tatouage est toujours aussi forte qu’au premier jour et je crois que je n’en verrais jamais la fin. » Quand on parle de la démocratisation du tatouage avec lui, on sent que Benjamin est aussi enchanté que désolé : « Ça devient un acte un peu trop banal, on fait les mêmes tatouages que son voisin ou pire, qu’une célébrité quelconque. En plus, c’est souvent directement à des endroits visibles. Le tatouage devient une mode plutôt qu’un acte pour soi. » Mais en tant que passionné du tatouage, il tempère vite cette vision : « D’un autre côté voir des gens avec des beaux tattoos, reconnaître la patte d’un artiste et admirer des œuvres dans la rue, sans avoir à aller au musée, c’est carrément cool ! »

« Je me souviendrais toujours de la séance de la pieuvre sur le ventre lors d’une convention à Nantes avec Lionel Fahy (@ lioneloutofsteptattoo), j’ai tellement couiné que Julia Sweet Needle (@sweetysuicide) et Dwam (@dwam) m’ont offert des chocolats de consolation.« 

Benji

Des œuvres décalées sans aucun regret

Pour Benjamin, le tatouage est un acte de modification de la personnalité. Il ne peut donc pas le concevoir comme un phénomène de mode : « Se faire tatouer c’est s’exprimer à travers un médium différent, devenir une toile vivante, se balader avec des œuvres sur le corps, et choisir comme on le souhaite de les exposer ou non. » Dans l’esprit de Benjamin, le corps tatoué est un musée où l’on peut admirer les créations de différents artistes. D’ailleurs, ces œuvres vivantes qu’il exprime sur sa peau, elles n’ont pas forcément une esthétique définie : « Je n’ai pas de style de prédilection, mes tatouages, je les fais au feeling. » Le plus important, c’est la bonne entente avec l’artiste, car c’est la partie immergée de l’iceberg. La relation avec le tatoueur, on ne la voit pas sur le résultat final mais c’est l’âme du tatouage : « Quand j’ai un bon contact avec un artiste je peux facilement enchaîner plusieurs pièces avec lui. »

« Ce n’est pas un truc que je m’interdis avec une certaine frustration, c’est vraiment que je ne veux pas y toucher. Je ne ressens pas le besoin de me démarquer en me tatouant le visage. Mais c’est quelque chose que je trouve fascinant dans certaines culture. »

Benji

Des histoires de tatouages, Benjamin en a des tonnes. Il se fait toujours tatouer dans la bonne humeur, le plus souvent sur des coups de tête : « Je choisis mes prochains tatouages en fonction de l’artiste et de son approche, si ça colle avec ma personnalité. Honnêtement, c’est souvent au pif, je ne réfléchis pas tant que ça ! » Il ne regrette absolument aucun tatouage, ils font partie intégrante de son histoire : « N’avoir aucun regret c’est plutôt un bon état d’esprit pour enchaîner, non ? » Les pièces qui ornent son corps sont souvent décalées, dans un bon esprit : « J’ai un très bon souvenir avec Rocky Zéro (@rockyzero_ tattoo) qui m’a littéralement tatoué des poignées d’amour sur… mes poignées d’amour ! ». Il garde plein de beaux (et douloureux !) moments en tête quand il raconte ses séances de tatouage avec ses artistes préférés : « Je me souviendrais toujours de la séance de la pieuvre sur le ventre lors d’une convention à Nantes avec Lionel Fahy (@ lioneloutofsteptattoo), j’ai tellement couiné que Julia Sweet Needle (@sweetysuicide) et Dwam (@dwam) m’ont offert des chocolats de consolation. » Mais c’est loin d’être les seules histoires de tatouage de Benjamin, peu de temps avant de rencontrer la femme de sa vie, il se fait tatouer par Béatrice Myself (@beatricemyself) une grosse paire de lunettes sur les fesses légendée de la phrase « on verra » : « Bien évidemment, c’est juste après que je rencontre l’amour, qui porte … des lunettes ! Je pense que c’est une sorte de tatouage prémonitoire ! ».

Les tatouages d’après

Benjamin ne s’impose qu’une seule limite : ne pas se tatouer le visage : « Ce n’est pas un truc que je m’interdis avec une certaine frustration, c’est vraiment que je ne veux pas y toucher. Je ne ressens pas le besoin de me démarquer en me tatouant le visage. Mais c’est quelque chose que je trouve fascinant dans certaines cultures. » Quand nous lui demandons ce qu’il a prévu pour la suite, il nous explique : « Comme c’est une bonne addiction et que je ne suis jamais rassasié, j’ai l’intention de boucher les trous avec des petits flashs. ». Sinon, il a plusieurs projets en tête et un dos plutôt déjanté en cours avec Nicoz (@ strangelandlarochelle) : « Une sorte d’Alice de Lewis Carroll, en version géante et tatouée, coincée dans une maison après avoir avalé trop de spacecakes !» Ça promet, non ?

Instagram : @benjioasis


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